Carnets poétiques : Les muses
Les muses aux paupières closes sondent le coeur de l’homme pour y respirer l’essence de la vie. Les muses, aveugles du fini, cachent sous leurs voiles l’éclair du monde. Les muses sont toujours belles de leur gravité : elles ont enfanté tant de livres perchés, plumes aux encres souvent vieillies. Les muses pleurent leurs enfants défunts, tous ces mots oubliés en poussières de papier. Alors elles murmurent la nuit en psalmodies lentes le retour des perles ensablées, s’insinuant dans le coeur et les rêves de l’auteur somnambule. Si tant d’écrivants sont insomnies, c’est que l’encre seule délie les silences du temps au vent de lune. Ne sois donc pas surpris, jeune poète, si ta muse parfois t’éveille. Elle se méfie comme toi des mémoires défaillantes… Des milliers de mots endormis à éveiller à nouveau est pour les muses un travail harassant. Les paupières closes sont aussi leur fatigue. Elles ont besoin de toi, jeune poète, en lettres de temps. Réssuscite les mots qu’elles puissent un jour se reposer. La folie des hommes guette toujours le monde sans Verbe, c’est aussi la gravité de leurs visages… Aime ta Muse et console-la par l’encre de ton coeur.
Sandra Dulier, Plume Funambule
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